Marie Brizard, un succès venu tout droit du XVIIe siècle

Tout le monde ou presque connaît Marie Brizard en tant que marque de spiritueux. Seulement, peu savent qui était Marie Brizard (1714-1801), jeune femme qui a donné son nom à l’entreprise éponyme lors de sa création en 1755. 

Pour connaître l’origine de cette entreprise qui génère aujourd’hui près de 490 millions d’euros de chiffre d’affaires (2019) et emploie autour de 2 000 personnes, il faut retracer le parcours d’une jeune femme, fille d’un tonnelier et bouilleur de cru de Bordeaux. La vie de Marie Brizard, troisième d’une fratrie de quinze enfants, est d’ailleurs soumise à deux hypothèses pour retracer sa légende bâtie sur l’origine de la liqueur anisée ayant fait sa réputation. 

La première, qui est aussi la plus romanesque, raconte qu’elle rencontre sur les quais de Bordeaux un marin antillais (ou un esclave noir, les interprétations varient) bien malade, gisant à terre. La voyant lui venir en aide, ce dernier décide en guise de reconnaissance de lui confier la recette d’une liqueur anisée chargée de redonner la santé. L’autre hypothèse décrit que son neveu, Paul Alexandre Brizard, lui aurait ramené des Antilles des herbes et épices nécessaires à la confection de ce nouveau breuvage. Quoi qu’il en soit, sa boisson attire énormément ses contemporains et elle parvient ainsi à la commercialiser et à créer une entreprise portant son nom, fait rare pour une femme au XVIIIe siècle.

Une société familiale jusqu’en 1990

Aidée par un autre neveu, Jean-Baptiste Roger, Marie Brizard, célibataire et sans enfant, parvient à développer cette affaire qu’elle confie à la fin de sa vie à la veuve de ce neveu, lui aussi décédé. Les enfants de la famille poursuivent la gestion de l’entreprise jusqu’au mariage de l’arrière-petite-fille de Jean-Baptiste Roger avec Pierre-Joseph Glotin (1828-1884). Les enfants du couple prennent la succession et huit générations de Glotin dirigent l’entreprise jusqu’à la fin des années 1990. Les déboires financiers de la société familiale, qui peine à résister à la concurrence des grands groupes, contraint ses propriétaires à trouver un nouvel acquéreur.

En 2006, le groupe Belvédère, déjà propriétaire de plusieurs marques d’alcool, rachète Marie Brizard et rebaptise quelques années plus tard l’ensemble des activités sous le nom de Marie Brizard Wine & Spirits (MBWS). La maison-mère, Belvédère, est déjà coté en bourse lorsque Marie Brizard intègre son giron. Les difficultés sont cependant trop nombreuses et le groupe est placé en procédure de sauvegarde en 2008 puis en redressement judiciaire en 2012. 

Aux côtés de William Peel et de Sobieski

Malgré ces difficultés, MBWS rebondit et trouve son modèle économique, en misant sur ses filiales à l’international (Pologne, Shanghai, Brésil et Caraïbes). Mieux, il prend en 2015 de l’avance sur son calendrier de sortie de crise financière et vend certaines marques, comme les vins Moncigale. Fin 2020, MBWS se désengage de ses activités en Pologne et lance une opération d’augmentation de capital qui lui permet de récolter 100,9 millions d’euros en février 2021. Cette augmentation et ces désengagements visent à faire repartir le groupe sur de bonnes bases en axant le développement autour de marques fortes : le whisky William Peel, les vodkas Krupnik et Sobieski, la liqueur anisée Marie Brizard, le cognac Gautier et Fruits & Wine, leader en matière de boissons aromatisées à base de vin. 

En optant en 2015 et 2016 pour un nouveau nom et une identité visuelle mettant en avant sa créatrice, MBWS veut faire de l’anisette et de son histoire son atout majeur. Il faut dire que, tout au long de son existence, la marque Marie Brizard a su séduire les générations en obtenant des prix d’excellence : servie à la table du roi Louis XV (1710-1774), la liqueur anisée est primée depuis plus de trois siècles lors de concours de dégustation. 

Aujourd’hui, avec un capital estimé à 150 millions d’euros et un recentrage de ses activités sur ses marques fortes, MBWS veut envisager l’avenir plus sereinement. Et perpétuer dans le futur le nom d’une dame qui a réussi à créer un produit unique, il y a déjà 366 ans. 

Photos : sudouest.fr et Mariebrizard.com

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