C’est un entrepreneur éminemment moins médiatique que Steve Jobs ou Bill Gates, qui a toujours conservé ses distances avec la turbulente et frénétique Silicon Valley. Son nom, ainsi que celui de la société qu’il a fondée en 1976, ne sont connus que des professionnels du secteur. Et pourtant, Jim Goodnight, à la tête de SAS, est l’un des businessmen les plus puissants du secteur IT. Son cheval de bataille : le Big Data.
Débuts universitaires
A la toute fin des années 1960, Jim Goodnight étudie les mathématiques et la programmation à l’université de Cary, en Caroline du Nord. Le département informatique, fraichement doté de quelques machines IBM dernier cri, tente alors de mettre sur pied une solution logicielle permettant d’optimiser les cultures agricoles. Jim Goodnight intègre l’équipe, qui parvient à mettre au point un outil d’analyse de données performant, capable de s’adapter à n’importe quel secteur d’activité.
Lorsque l’université, confrontée à des restrictions budgétaires votées par l’administration, décide de ne plus financer le projet, le petit groupe, qui compte déjà une centaine de clients, se contente de traverser la rue pour fonder ce que l’on ne nommait pas encore une start-up. L’entreprise SAS est créée, et Jim Goodnight en sera le directeur général.
« Donner du sens aux données »
Depuis, pas une année n’a passé sans que l’entreprise n’ait engrangé des bénéfices. Visionnaire et passionné, l’ancien professeur de mathématiques a su anticiper, il y a quarante années de cela, l’émergence du Big Data, cette multitude de données qui n’ont de valeur qu’une fois triées et interprétées. Depuis, son influence n’a fait que s’étendre à l’heure où cette activité constitue un nouvel Eldorado, sur lequel se jouent des milliards de dollars. A la fois pionnier et leader, SAS fournit 80 000 entreprises publiques ou privées dans 148 pays, pour un chiffre d’affaires de 3,16 milliards de dollars. Faisant de Jim Goodnight la 54ème personne la plus riche des Etats-Unis, à la tête d’une fortune estimée à 8,8 milliards de dollars.
Une certaine vision de l’entreprise
C’est en mettant en œuvre des recettes originales que l’entrepreneur a su faire de SAS le leader mondial de son secteur. Bénéficiant dès sa création de subsides universitaires et d’une clientèle en perpétuelle expansion, la société n’a jamais eu la nécessité de recourir à des investisseurs extérieurs. L’entreprise est aussi restée attachée à son terroir : alors que la majorité des acteurs de l’IT ont élu domicile dans la Silicon Valley, SAS n’a jamais quitté la Caroline du Nord, contribuant à faire de Cary un technopôle mondialement reconnu.
Le campus de l’entreprise, dont les 23 bâtiments abritent 6 500 employés, a quant à lui inspiré directement les sièges de Google ou d’Apple. Ecologique, le lieu est bardé de panneaux solaires, de murs végétaux, et des moutons sont utilisés pour tondre la pelouse. Les salariés ne sont pas oubliés : la présence d’un hôpital, de crèches, d’écoles et de salles de sport font de SAS la 4ème entreprise américaine où il fait bon travailler, selon un classement établi par le magazine Fortune.
Patron philanthrope
De l’aveu même de Jim Goodnight, la plupart des moyens mis en œuvre pour améliorer les conditions de travail de ses employés ont été suggérés par sa femme, Ann. Des suggestions que le CEO, actionnaire majoritaire depuis la création de l’entreprise, a toujours pu mettre en œuvre. Les efforts déployés pour les salariés, ainsi que l’éloignement de la Silicon Valley permettent à SAS de conserver son personnel, avec un turn-over de 4 %, alors que celui d’entreprises telles que Facebook ou Google se situe aux alentours de 20 %. L’ancien universitaire est aussi un philanthrope, qui utilise une grande partie de sa fortune personnelle en faveur de l’éducation. 24 millions de dollars ont ainsi été distribués à travers différents projets éducatifs.
Un modèle à contre-courant
A 73 ans, l’entrepreneur affiche le sourire de ceux qui ont réussi leur pari. La société qu’il a fondée il y a quatre décennies ne s’est jamais aussi bien portée, et son avenir semble assuré. Son cœur de métier, l’analyse de données, a en effet le vent en poupe, et aucun concurrent sérieux ne semble en mesure de s’opposer à sa domination sur le secteur.
SAS, l’anti-Apple et Microsoft ? Dans tous les cas Jim Goodnight demeure la preuve qu’une entreprise IT peut prospérer loin des projecteurs, à l’abri des tendances, sans faire appel à des financements externes, et tout en restant relativement méconnue du grand public.