Démocratisée autour du XIXe siècle, la consommation de champagne reste un marqueur de privilèges et de prestige. Associées aux plus grandes marques et stars, les maisons productrices de champagne font recette en exportant toujours plus de bouteilles à travers le monde. Récit d’un succès.
Le 18 octobre de chaque année, nous fêtons les Luc et… le champagne ! La journée mondiale du champagne, ou champagne’ day est inscrite au calendrier ce jour-là, sans raison particulière si ce n’est qu’il y a toujours un bon prétexte pour ouvrir une bouteille de ce qui était appellé autrefois le vin des rois.
L’imminence du #ChampagneDay qui inonde les réseaux sociaux de nombreuses photos ou vidéos de consommateurs de champagne à travers le monde, est l’occasion d’offrir un zoom à cette industrie fructueuse qui n’a de cesse d’augmenter le volume de ses productions année après année.
Ainsi, en 2018, les ventes de champagne ont atteint 4,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires global, soit un milliard d’euros de plus qu’en 2005. Ceci est un véritable indicateur de l’évolution de la consommation. Cette même année, pour la première fois de l’histoire du champagne, la production destinée à l’étranger a été supérieure à celle réservée au marché hexagonal. 2,9 milliards d’euros ont en effet été générés par les exportations.
Les anglais premiers importateurs malgré le Brexit
Le Royaume-Uni demeure le client numéro un avec 31 millions de bouteilles importées en 2016. Et même si le choc du Brexit a eu pour conséquence une première baisse depuis deux ans, les Britanniques restent leaders, loin devant les Etats-Unis (23,7 millions de bouteilles en 2018), le Japon (13,6) et l’Allemagne (12,5). Derrière, si la Belgique reste un grand importateur, la Chine, Taïwan et Hong-Kong s’affirment comme des marchés en pleine croissance.
Ce succès international qui s’appuie sur une combinaison entre petits volumes et marques fortes, génère d’énormes profits et il n’est pas étonnant de voir que des grands groupes contrôlent la production puisque 87 % du champagne produit est assuré par 300 maisons. La plupart d’entre elles appartiennent à cinq multinationales : Laurent-Perrier, LVMH, Pernod Ricard, Lanson-BCC ou Vranken-Pommery.
Cette renommée mondiale tient en deux raisons majeures. Gastronomique, d’abord, car le champagne a prouvé à travers les âges qu’il pouvait être un régal pour le palais. Dès le Ve siècle, on trouve trace de la consommation de champagne, notamment pour le sacre de Clovis à Reims (496). Depuis ce jour est née la tradition de servir des bulles à Noël ou à chaque nouveau sacre de souverain en France.
Le champagne : l’abondance, le prestige et la victoire
Ce qui conduit à la seconde raison, celle qui érige le champagne en vertu sociale, le prix d’une bouteille exerçant une barrière que beaucoup de familles ne peuvent franchir qu’occasionnellement. Ainsi, la boisson qui n’est réservée jusqu’au début du XIXe siècle qu’à l’aristocratie, devient aussi prisée par la bourgeoisie émergente et par les élites culturelles, littéraires et artistiques. Le XIXe siècle marque un coup d’accélérateur dans la démocratisation du champagne, en France d’abord puis, avec l’avènement de la mondialisation, partout dans le monde à partir du XXe siècle.
Aujourd’hui, autour de la planète, le champagne est l’apanage des stars et des grandes marques. Sur les affiches et spots publicitaires, il porte les visages de David Guetta, Rihanna, Roger Federer ou Scarlett Johansson. Cinéma, mode, musique ou sport illustrent le monde idéal au sein duquel le champagne est érigé en symbole pour représenter l’abondance, le prestige et la victoire.
Le sport automobile, le sport hippique, la voile ou le tennis, des disciplines étiquetées socialement élevées, sont associées depuis des décennies au champagne et le « splash », cette façon d’arroser la foule de mousse avec une bouteille, doit son origine au pilote automobile suisse Jo Siffert. Lors des 24 heures du Mans de 1966 qu’il remporte, il secoue trop fort une bouteille pas assez fraîche et arrose involontairement la foule.
Le splash de Jo Siffert pas du gout de tous les vignerons
L’année suivante, son successeur sur le podium l’imite – volontairement cette fois-ci – et perpétue la pratique pour toujours et depuis, il n’est pas rare de voir des baignoires ou jacuzzis entièrement remplis de champagne pour célébrer un succès, dégageant une image d’opulence et de gaspillage peu appréciées des producteurs.
Ancré comme un marqueur d’appartenance au monde des puissants, le champagne attire donc en toute logique les pays émergents et demeure la référence mondiale de l’élégance et l’incarnation de la classe. En boire tous les jours comme le faisait l’iconique Marilyn Monroe n’est probablement pas recommandable mais n’en boire que le 18 octobre serait bien dommage.
Sources des photos : shopify.com / Thedrinksbusiness.com / Josiffert.com / insider.com