Une institution. Un symbole du « porno à la française ». Une marque reconnaissable entre toutes, sur un secteur pourtant ultra-concurrentiel. Depuis sa fondation en 1979, la marque au toucan s’est imposée comme l’un des leaders mondiaux du X, et continue de se développer, malgré les aléas d’une industrie en pleine mutation. Un virage négocié avec brio par ce « fils de », dont la personnalité diffère notoirement de celle de son père.
Ecole de commerce et audiovisuel
Rien ne prédestinait Grégory Dorcel à reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Pourtant, après une prépa à HEC et une école de commerce, le jeune homme enchaine les jobs d’été auprès de son père, et rejoint définitivement l’entreprise en 1996, après un bref passage à France Télévision. Pas de népotisme ou de favoritisme, bien au contraire : ce n’est qu’à la fin de l’adolescence que son père Marc consent à lui dévoiler les activités de sa société, et le pousse à s’orienter dans d’autres domaines. Mais le marketing et l’audiovisuel passionnent Grégory, à une période où justement tout semble devoir être à refaire face aux transformations du secteur du X. Les méthodes de Marc Dorcel, tenant d’un porno « à la papa », doivent s’adapter à l’arrivée du Numérique et du tout gratuit. C’est dans ce sens que Grégory va faire ses premières armes, démontrant une habileté certaine dans l’innovation et propulsant l’entreprise dans le XXIème siècle.
Mutations du porno
Car les temps ont bien changé depuis les premiers tours de manivelle de « Jolies petites garces », tourné en 1980 et première production estampillée Dorcel. A l’époque, le cinéma constitue le cœur du marché, bientôt suivi par la VHS, avec des vidéos pouvant se revendre jusqu’à 500 francs dans les magasins spécialisés. Par une utilisation soignée de la mise en scène, des costumes et des éclairages, une marque de fabrique parvient à voir le jour et à faire de Marc Dorcel le producteur français le plus apprécié des consommateurs de porno. Il faut dire que les bonnes idées ne manquent pas, notamment celle concernant les contrats d’exclusivité pour des actrices emblématiques. Laure Sinclair, Katsuni, ou encore Yasmine, pour ne citer qu’elles, feront beaucoup pour les ventes de cassettes et de DVD. Mais les années 90 voient poindre de nouveaux défis. Le marché du DVD, qui assurait à Dorcel 70% de son chiffre d’affaires, chute en quelques années pour ne plus représenter que 30% des revenus. Internet et le haut-débit permettent l’accès, souvent gratuit, à un nombre incalculable de vidéos. Les vidéoclubs ferment leurs portes, Canal + se met au porno, et le X se démocratise, entrainant des changements menaçant directement l’entreprise.
Adaptation nécessaire
C’est dans ce contexte que Grégory Dorcel obtient ses premiers succès. En charge d’étudier les nouveaux marchés, il est à l’origine du lancement d’une chaine de VOD, en 2002. Depuis, les innovations se succèdent sous son égide ; chaîne de télévision Dorcel TV en 2006, site participatif Mydorcel.com en 2010, productions de films en 3D et ouverture de boutiques proposant des objets érotiques. C’est grâce à son hyperactivité que la marque Dorcel a pu survivre, alors que d’autres pointures du X ont été contraintes de mettre la clé sous la porte. C’est donc tout naturellement que Grégory Dorcel se voit confier la destinée de l’entreprise familiale en 2003. Si certains ingrédients ayant contribué au succès de la marque ont été conservés, de nouvelles méthodes, plus professionnelles, ont été adoptées, synonymes parfois de tensions entre le père et le fils.
Porno chic et gros budget
La volonté de proposer une certaine forme « chic » de porno, bien loin de l’univers glauque et extrême des autres productions, n’a pas été remise en question par Grégory Dorcel. Toujours autant soignées, les œuvres font la part belle à la qualité. A tel point que le budget de certains films explose, battant régulièrement des records. Ainsi, « Orgy The XXX Championship » aura coûté 280 000 euros, du jamais vu pour ce genre cinématographique. Se pose alors la question de la rentabilité, équilibre difficile à trouver, et qui oblige le directeur général de la marque à travailler l’aspect marketing, à promouvoir ses films dans tous les grands salons dédiés, et à négocier au plus serré auprès des distributeurs. C’est par cette étiquette de businessman que Grégory se distingue le plus de son père, plus artiste, pour qui une simple parole faisait alors office de contrat. Là où Marc Dorcel n’hésitait pas à passer derrière la caméra et à composer lui-même la musique de ses films, le fils, lui, ne fréquente guère le milieu et est plus proche de l’image d’un chef d’entreprise classique. C’est d’ailleurs ce qu’il ne se lasse pas d’affirmer, lui qui se considère comme un patron « normal » dans une industrie qui ne diffère pas foncièrement des autres secteurs.
Ère numérique et piratage
Quoiqu’il en soit, l’entreprise Dorcel prospère, réalisant un chiffre d’affaires proche des 30 millions d’euros, et produisant en moyenne une vingtaine de films par an. Mais l’avenir de la marque ne se situe pas uniquement dans les longs-métrages, grevés par des prélèvements que Grégory Dorcel juge injustes et trop élevés. Car si les œuvres audiovisuelles sont taxées à hauteur de 2%, le porno, lui, l’est à 10%. Cette contribution atterrit directement dans les caisses du CNC, qui n’octroie en contrepartie aucune aide au cinéma X. Quant aux banques, aucun financement n’est accordé aux pornographes, qui doivent donc s’autofinancer par n’importe quel moyen. D’où le recours à la diversification de la marque. Autre écueil : le piratage des œuvres, et l’habitude prise du « tout gratuit » qui étouffe l’industrie.
Mais Grégory Dorcel entend bien se servir du numérique, et non le subir, pour promouvoir sa marque et ses chaines de VOD. Sur son site Internet, sa page Facebook et son compte Tweeter, ce sont les utilisateurs qui assurent le buzz par des images décalées et inventives, récompensées par des accès gratuits offerts aux internautes les plus méritants.
Loin de se laisser affaiblir par les innombrables transformations endurées par le secteur du X ces dernières décennies, Grégory Dorcel aborde le futur avec sérénité, persuadé que la marque restera encore longtemps aux sommets du X non seulement français, mais aussi mondial.
On a appelé cela des maquereaux, maintenant ce sont des chefs d’entreprise, cravate et tout. Des “empereurs”. Se souvenir quand même que derrière cette “industrie”, il y a beaucoup, beaucoup d’abus.
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