Créer une école pour apprendre à entreprendre : telle est la volonté de Fleur Pellerin, annoncée lors d’une interview au « Figaro » en aout 2013. Si aucune date n’a encore été précisée quant à l’ouverture de cette structure, quelques informations ont été dévoilées sur les buts et le fonctionnement de cette future école.
Des solutions existent déjà pour permettre au futur entrepreneur de se former. Car ce métier ne s’improvise pas, et les difficultés à surmonter s’avèrent nombreuses. Des organismes publics, tels que l’APCE ou les Chambres de Commerce et d’Industrie proposent déjà un cadre permettant de se familiariser avec des sujets aussi vastes que la comptabilité, les statuts juridiques, les notions de droit ou encore la maitrise des outils de communication.
De nombreuses écoles d’ingénieur, de commerce et de management proposent aussi en leur sein une spécialité « Entrepreneuriat ». De plus, des structures telles que les « accélérateurs » ou les « incubateurs » de projets ne manquent pas, et offrent conseils, formations et accompagnement aux candidats à la reprise ou à la création de société.
Toucher des profils jusqu’ici tenus à l’écart
L’offre semble donc déjà pléthorique, et l’opportunité de créer une nouvelle structure a suscité quelques interrogations. L’objectif principal mis en avant par Fleur Pellerin est de promouvoir et de faciliter l’accès à l’entrepreneuriat à des catégories de population jusqu’ici peu représentées. Ainsi, cette école “permettrait aux publics largement mis à l’écart de la création d’entreprise (jeunes, seniors, habitants des quartiers populaires, etc.) de se lancer eux aussi dans l’aventure”, a déclaré la ministre. Une étude révèle effectivement que l’entrepreneur type est un homme âgé de 38 ans, diplômé et possédant déjà une expérience professionnelle. L’inscription aux cours dispensés par cette école sera donc ouverte à tous, sans condition d’âge ou de diplôme.
Moins une école qu’un portail d’accès
La forme de l’enseignement devrait se baser sur le principe du « MOOC », c’est-à-dire que les cours seront mis à disposition des étudiants sous une forme numérique et dématérialisée. L’Etat emboite donc le pas à de nombreuses universités et grandes écoles, telles que Polytechnique ou HEC Paris, qui ont déjà appliqué avec succès ce type d’enseignement. Aucune décision n’a encore été arrêtée quant au contenu des cours ; un appel à contribution, désormais clos, a été lancé depuis le site du ministère du redressement productif afin que chacun puisse y soumettre ses idées. Les propositions sont actuellement en cours d’étude, et le financement devrait être fondé sur un partenariat public/privé.
Des rapports tendus entre le gouvernement et le patronat
Mais dès l’annonce du projet, les réactions ont été nombreuses, les relations entre les entrepreneurs et le gouvernement demeurant délicates. Les annonces de réforme du statut d’auto entrepreneur ont suscité des actions de fronde qui ne se sont pas toutes éteintes, comme en témoigne le récent mouvement des « Poussins ». Toutes ces actions témoignent d’un mal-être éprouvé par les entrepreneurs, et selon certains, la création d’une « Ecole de l’Entrepreneuriat » ne résoudra en rien les problèmes de fond rencontrés.
De nombreuses critiques
Les détracteurs affirment qu’il faudrait avant toute chose s’attaquer au climat « anti patrons » qui, selon eux, demeure très présent en France, où la réussite patronale inspire une certaine défiance. D’autres mettent en avant la nécessité de défiscaliser l’entrepreneuriat afin de le rendre plus attirant, ou encore de mettre l’accent sur l’employabilité des étudiants après l’obtention de leur diplôme. Enfin, l’enseignement du métier de chef d’entreprise ne pourra se faire qu’après l’enseignement de l’esprit d’entreprendre, beaucoup plus essentiel. L’annonce de Fleur Pellerin a donc cristallisé ces revendications, de manière parfois partiale, mais non dénuées d’arguments. Des attaques que la ministre récuse, mettant en avant les Assises de l’Entrepreneuriat ayant eu lieu en avril 2013 et qui constituent, selon elle, une véritable avancée pour les entrepreneurs.
D’excellentes statistiques, mais un malaise persistant
A la lumière des chiffres, la France n’a pas à rougir : en effet, le pays bénéficie du plus fort taux de création d’entreprise du G7. Il est aussi établi que la France est le pays du G20 où il est le plus facile de créer son entreprise. Mais la même étude fait ressortir la faible culture entrepreneuriale de notre pays, pointe les difficultés d’accès au financement et ne classe la France que quinzième sur vingt concernant la fiscalité des entreprises.
Une mission délicate
Pour être une réussite, cette « Ecole de l’Entrepreneuriat » ne devra pas seulement enseigner les rudiments techniques liés à la création ou à la reprise d’une entreprise : elle devra aussi faire en sorte que ses élèves prennent bien conscience des difficultés qui les attendent, et des moyens de les surmonter. Car il ne s’agit pas seulement de créer son entreprise, il faut aussi la faire perdurer, et une entreprise sur deux ne dépasse pas la cinquième année d’existence. Il faut donc faire le vœu que le projet puisse jouer pleinement son rôle et qu’il parvienne à toucher le public visé.
C’est une très bonne idée, reste ensuite à ne pas transformer cette école en un nouvel ENA.
Fleur Pellerin a bien œuvré pour le numérique en lançant beaucoup de projets (big data, crowfunding…). Que l’on soutienne à présent l’esprit entrepreneur est une bonne chose.