Après une période creuse consécutive au départ à la retraite de Marat Safin, dernier vainqueur russe en Grand Chelem en 2005, la Russie a vu émerger trois talents majeurs. Daniil Medvedev, Andrey Rublev et Karen Khachanov font ainsi partie du top 20 mondial et incarnent le renouveau du tennis russe.
Le tennis russe ne s’est jamais aussi bien porté depuis les départs à la retraite de ses stars des années 2000, Marat Safin et Yevgeny Kafelnikov. L’année 2020 confirme cette résurrection à la seule lecture du classement ATP : mi-septembre, Daniil Medvedev pointe à la 5e position, Andrey Rublev à la 12e et Karen Khachanov à la 16e. Les ambitions de la jeune garde russe sont grandes et certains voient déjà l’un d’entre eux succéder à Marat Safin, dernier de leurs compatriotes à avoir remporté un Grand Chelem, lors de l’Open d’Australie de 2005.
Au bilan comptable, seuls les Etats-Unis comptent plus de joueurs de moins de 23 ans parmi les cent meilleurs mondiaux mais la Russie est l’unique pays à en placer deux dans le Top 20. « En toute logique, cette nouvelle génération est capable de surpasser les résultats de Kafelnikov ou de Safin », a assuré au quotidien Kommersant le président de la Fédération russe de tennis, Shamil Tarpichtchev.
Daniil Medvedev (5e à l’ATP, 2 victoires en Master 1000 et une finale de Grand Chelem en 2019)
Des trois jeunes talents russes, il est probablement celui qui a aujourd’hui le plus de chances de remporter un Grand Chelem. C’est d’ailleurs celui qui s’en est le plus approché, en atteignant la finale de l’US Open 2019, battu par Rafael Nadal en cinq sets (5-7, 3-6, 7-5, 6-4, 4-6). Décrit comme un jeune homme tranquille en dehors du court, il se transforme une fois la raquette en main, surtout lorsqu’il y a des tribunes bouillantes derrière lui.
Lors de son épopée à l’US Open 2019, ses invectives à l’encontre du public ont séduit autant qu’elles ont agacé. Lui se moque de ce qui est dit à son sujet, il veut simplement surpasser la génération « big three » incarnée par Nadal, Djokovic et Federer. Depuis sa finale à l’US Open et ses victoires en master 1000 à Shanghai et Cincinnati fin 2019, Daniil Medvedev a basculé dans une autre dimension, se rapprochant ainsi de son but ultime, figurer parmi les plus grands.
Andrey Rublev (12e à l’ATP, 4 victoires en ATP 250, quart de finaliste à l’US Open en 2017 et 2020)
Andrey Rublev a dû se constituer un physique plus solide. Pétri de qualités mais souvent blessé, le jeune Russe est trop frêle lorsqu’il enchaîne ses premiers matchs sur le circuit mondial. En avril 2016, il intègre l’académie barcelonaise de Galo Blanco et prend pour coach Fernando Vicente qui le transforme en un bourreau de travail.
A force de s’épaissir et de canaliser ses démons, Andrey Rublev laisse peu à peu son mauvais caractère en dehors des courts, même s’il assume encore cette forte personnalité. Vainqueur de deux tournois en début de saison 2020 puis arrivé en quarts de finale à l’US Open en septembre 2020, il fait partie des hommes en forme et sa trajectoire linéaire lui promet un bel avenir.
Karen Khachanov (16e à l’ATP, 1 master 1.000 et un quart de finale à Roland-Garros)
Le potentiel de Karen Khachanov a été très vite détecté. Soutenu par son oncle millionnaire, Alexander Zayonts, il s’exile en Croatie pour peaufiner sa formation et, parmi les trois étoiles montantes du tennis russe, c’est lui le plus précoce.
Immense avec son 1,98 m, il tape très fort et maîtrise tous les coups du tennis. Lorsqu’il est à son meilleur niveau, il est un joueur de classe mondiale mais il doit prétendre à plus de régularité pour demeurer au top de l’élite. Sa victoire au tournoi de Moscou en 2018 puis son succès contre Novak Djokovic la même année à Paris lui ont valu un sursaut de notoriété en Russie, et même partout autour de la planète. Sa « belle gueule » et sa ressemblance avec l’acteur australien Liam Hemsworth font l’objet de nombreux commentaires mais c’est surtout sur le court qu’il veut faire parler de lui.
Peu en vue lors des Grands Chelems qu’il a disputés, à l’exception d’un quart de finale à Roland Garros en 2019, il peine en deuxième semaine des grands tournois. C’est probablement là qu’il lui reste à franchir un cap.
Un enjeu de rayonnement sportif pour la Russie
L’engouement pour le tennis n’a réellement pris son envol qu’à partir des années 1990 en Russie, grâce à un coup de pouce du Kremlin. Boris Eltsine, le premier président post-soviétique, était un grand amateur de ce sport et les courts de tennis du pays sont devenus des lieux de rencontres privilégiés. Ses tournois VIP attiraient les personnes influentes. Le vice-premier ministre, Oleg Syssouïev, et le maire de Moscou, Iouri Loujkov, figuraient d’ailleurs parmi les partenaires de jeu du président.
Encore aujourd’hui, il ne fait aucun doute que la Russie entend rayonner de nouveau sur la scène tennistique internationale. Elle peut compter sur le leadership ambitieux de sa fédération pour atteindre cet objectif.
Guidée par Shamil Tarpischev (ancien joueur soviétique de tennis et membre du Comité international Olympique) à sa présidence, et par Andrey Bokarev (homme d’affaires russe, président du groupe ferroviaire Transmashholding et féru de sport) à sa vice-présidence, la Fédération russe de Tennis ne lésine pas sur les moyens pour former de nouveaux talents, créer de nouveaux clubs et organiser des tournois dans tout le pays.
Le futur roi du tennis mondial viendra-t-il de Russie ? L’avenir nous le dira très vite !