Stephan Martinez : de la table au composteur

Chez les Martinez, on est dans la restauration de père en fils. Au Petit Choiseul (Paris 2e), Stephan est co-gérant avec son frère de ce bistrot qui propose une cuisine traditionnelle, bonne, et simple : œufs mayonnaise, poulet frites, entrecôte de Salers et autres plats qui fleurent bon la France.

Mais sur l’ardoise figure une mention qui peut surprendre : “Ici tout est fait maison, et les restes alimentaires sont valorisés en compost”. En effet, même si le maître des lieux n’a jamais renié son amour pour la cuisine bien faite, ni pour la tradition, il fait figure de novateur dans son deuxième métier, le recyclage des biodéchets. Stephan Martinez est aujourd’hui à la tête de Moulinot, une entreprise qui collecte les déchets alimentaires auprès de restaurants et cantines d’entreprise, et les transforme en compost.

Passionnément engagé dans cette nouvelle activité, qui est d’abord un acte militant, Stephan Martinez aime présenter aux clients du resto les mini-composteurs situés dans sa cave et à leur offrir un sachet de compost.

Des lombrics dans la cave du restaurant

C’est en 2007 que Stephan, 49 ans, a commencé à « faire les poubelles », triant et recyclant les restes alimentaires de son resto d’abord, puis de ceux de ses collègues : épluchures, coquilles d’œufs, mais aussi reste animaux. Aujourd’hui, cette activité a grossi et est devenu une entreprise qui travaille avec plus de 400 restaurants parisiens parmi lesquels de prestigieuses tables comme Le Bristol ou Fauchon sans oublier le restaurant du Sénat, et même l’Elysée. Ces déchets sont reconvertis en méthane et en engrais. Sur ce terrain, il a réussi à supplanter les géants du déchet que sont Véolia ou Suez. 

Quand il découvre, en 2006, que l’agriculture intensive détruit les sols, l’homme de terroir qu’est Stephan est alarmé. Du coup il s’intéresse au sujet, se forme et en autodidacte qu’il est, s’initie au lombricompostage auprès d’un agriculteur de l’Ain. Il achète 10 kg de vers et démarre le compostage dans la cave de son resto.

Quand arrive en 2012 la loi Grenelle 2 imposant aux restaurateurs la valorisation des biodéchets, l’entrepreneur-né saute sur l’occasion et propose au Groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration (GNI) et à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) de financer une opération pilote auprès de 80 restaurants du centre parisien. Il forme les équipes, organise la collecte des déchets, et les achemine jusqu’à l’usine d’Etampes (Essonne) où ils sont transformés en gaz et en chaleur. Cela fonctionne au-delà de toute espérance. “Il parlait le langage des restaurateurs et leur apportait une solution au cas par cas”, explique Philippe Thauvin, de l’Ademe. Ainsi naît en 2013 l’entreprise Moulinot. Dans la foulée, Stephan crée la Moulibox, un mini-composteur d’intérieur à vocation pédagogique.

Moulinot: 70 salariés, 25 camions écologiques… et 643.004 lombrics ! 

Malgré ce succès, Moulinot connaît des difficultés. A partir de 2015, les restaurateurs doivent désormais payer pour la revalorisation de leurs déchets. Du coup, beaucoup renoncent. Seuls 42 établissements poursuivent, si peu au regard des 25.000 restaurants de la Capitale ! L’entreprise est au bord de la faillite. 

Mais Stephan ne baisse pas les bras. Il s’entoure d’une équipe resserrée et va lui-même chercher les clients. C’est ainsi qu’il obtient le marché de la revalorisation des biodéchets de la restauration sur le site du Bourget, ce qui booste l’entreprise. Du coup les clients affluent. Moulinot change d’échelle avec les 475.000 repas de l’Euro de football 2016, les 380 tonnes annuelles du parc des expositions de la porte de Versailles, et des collectivités comme Noisy-le-Sec, Romainville, Sevran, ou encore la Défense.

Moulinot, qui ne cesse de croître, a ouvert sa propre usine en Seine-Saint-Denis, à Stains, en janvier 2019. L’entreprise revendique aujourd’hui 70 salariés, 25 camions écologiques… et 643.004 lombrics !

Sources des photos : telerama.fr / placetobio.fr / relaischateaux.com

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