Les héritiers d’Henri Selmer perpétuent une tradition artisanale qui a fait de ses saxophones des bijoux prisés par les plus grands du jazz depuis près de cent ans.
L’histoire des saxos Selmer, c’est d’abord une histoire d’amour entre la famille Selmer et la musique. Elle commence avec Henri, l’arrière-grand père de Brigitte Selmer, qui dirige la maison Henri Selmer Paris à ce jour. Henri était clarinettiste et issu d’une lignée de musiciens militaires lorrains. En 1885, il lance une petite fabrique de hanches et de becs, puis rapidement, propose aussi des clarinettes. Son frère Alexandre, clarinettiste au Philharmonique de New York, fait connaître les clarinettes de son frère à New York ; très vite, elles font un tabac auprès des musiciens de jazz, et reçoivent plusieurs prix internationaux.
En 1919, les frères Selmer installent leur fabrique à Mantes-la-Ville, où elle opère toujours aujourd’hui. Deux ans plus tard, ils lancent leur premier saxophone : le succès ne se fait pas attendre. Au cours de l’année 1929, les deux frères rachètent même les ateliers d’Adolphe Sax, l’inventeur du saxo. Ils se diversifieront plus tard avec des trompettes et même des guitares, mais le saxophone restera l’emblème de la maison. Un succès dû à un son inimitable qui a séduit d’emblée les légendes du jazz comme John Coltrane qui enregistre en 1964 « A Love Supreme », un solo mythique de trente-trois minutes, dont la magie tient à l’accord parfait entre le musicien et son instrument, le Mark VI de chez Selmer.
15 000 instruments par an
Aujourd’hui, c’est Brigitte Selmer, la petite-fille d’Henri, qui tient les rênes de la maison avec la même passion. Tous les ans, 15 000 instruments sortent des ateliers Selmer. L’entreprise compte aujourd’hui 500 personnes et dégage un chiffre d’affaires de plus de 30 millions d’euros. 80 % de ce chiffre est réalisé à l’export, dont 45 % en Asie.
«Nos ateliers ont quelque chose de magique : on commence la visite sur la matière première, on la finit chez les testeurs avec un instrument qui joue” explique Brigitte Selmer aux Echos. La fabrication d’un saxophone Selmer nécessite plus de trente-cinq heures de travail, 400 étapes, et seize corps de métiers différents. Tout est fait sur place, du travail de métallurgie au test son, en passant par l’assemblage des clés, travail de précision.
La maison Henri Selmer Paris, aujourd’hui prospère, a connu des heures difficiles. « Quand la crise a fini par nous toucher, fin 2008, il a fallu se battre jour et nuit pour maintenir l’entreprise » explique Brigitte, qui après 40 ans de maison et malgré sa passion, envisage de passer la main en juin prochain à l’un de ses cousins.
Un instrument Selmer dans l’Espace
Aujourd’hui, le nouveau défi de Selmer est de faire face à la concurrence asiatique qui envahit le marché mondial avec des saxophones à 1500 euros, soit près du tiers du prix d’un saxophone Selmer.
La maison a donc créé une nouvelle marque, SeleS, qui propose une entrée de gamme à 2500 euros. Pour pouvoir réduire ses prix, il a fallu rationaliser les procédés de fabrication pour en réduire le temps. Quelques pièces sont sous-traitées et les finitions sont moins poussées. Mais pour Brigitte, pas question de délocaliser : « tant que nous pouvons maintenir l’identité de l’entreprise, ainsi qu’une production entièrement française, nous le ferons.” La clé du succès de Selmer réside dans cet équilibre entre tradition et adaptation. Le son Selmer est même allé voyager dans l’espace avec Thomas Pesquet, à qui la maison a envoyé un instrument dans la station spatiale internationale pour son anniversaire. « On peut vraiment dire que nous sommes de gros exportateurs » s’amuse Brigitte Selmer.