La chaussette, cet habit indispensable que l’on classe pourtant bien volontiers parmi les tabous vestimentaires. On la choisit neutre, sobre, passe-partout. On essaye d’éviter le terrifiant fashion faux-pas. Les plus aventuriers en la matière ont été jetés en pâture aux moqueries médiatiques. Edouard Balladur, à maintes reprises surpris chaussettes rouges aux pieds s’en était expliqué « c’est ma seule fantaisie ». Les chaussettes ? Une fantaisie ? Un accessoire de mode donc. La société “Mes chaussettes rouges” s’est employée à leur offrir une nouvelle légitimité. Retour sur une success story à la française.
En 2009, Vincent Metzger et Jacques Tiberghien sont fraîchement sortis d’école. L’un est diplômé d’HEC, l’autre de l’ESCP. Les amis de classe préparatoire fondent dès leurs études The creativity market, une agence de communication qui repose sur le principe de co-création. Ils occupent alors des fonctions de consultants pour leurs clients. Lors d’une interview avec l’incubateur d’HEC – dont ils sont membres – Jacques confie que cette première expérience leur « a permis de développer une vraie compétence en communication sur le Web ». Compétence évidemment primordiale pour la suite de leur aventure.
Une suite qui prend racine quand Vincent est encore au lycée, et remarque à la télévision les chaussettes rouges de la maison Gammarelli, portées par Edouard Balladur. Gamarelli, c’est cette institution qui habille papes, cardinaux, évêques et prêtres depuis 1798 et qui produit les fameuses chaussettes papales rouges. Fruit du « hasard » selon Vincent, les deux comparses remarquent de nombreuses années plus tard que la maison n’est pas présente sur le Web. L’unique façon de se procurer ces délicieuses chaussettes est de se rendre dans la boutique au Vatican.
La fleur au fusil, voilà Jacques et Vincent partis pour Rome, à la rencontre des cousins Gammarelli, à qui ils demandent l’exclusivité mondiale pour la vente en ligne des chaussettes.
Quand la chaussette fait peau neuve
Soucieux de l’impact que peut avoir cette vitrine Web sur leur image, les maîtres de l’institution se laissent finalement convaincre. Un stock minimal en poche, un site Internet construit en peu de temps, Mes chaussettes rouges est lancé et propose les chaussettes Gamarelli en trois couleurs : noires, mauves et rouges. La recette prend. En trois mois, 2500 paires sont vendues.
Le coup de génie ? Adresser quelques paires de chaussettes rouges à François Fillon, alors Premier ministre, qui les porte en visite officielle au Canada. Si le Québec y voit un affront quant à ses désirs d’indépendance, – le rouge étant la couleur du gouvernement fédéral – François Fillon s’évite l’incident diplomatique au nom de la fantaisie, et révèle même la provenance des chaussettes devant la presse internationale.
Le carnet de commande explose et Vincent Metzger et Jacques Tiberghien décident de diversifier leur offre.
Le meilleur de la chaussette, pour tous
Après s’être inspirés des plus grandes figures ecclésiastiques, dont on aurait pourtant pu douter de l’influence sur l’univers de la mode, Mes chaussettes rouges s’attaque tout naturellement aux académiciens, en proposant les produits de Mazarin grand faiseur, qui habille les pieds des Immortels, mais pas seulement. Le général de Gaulle, Jacques Chirac, Bill Clinton ou encore Vladimir Poutine en étaient et en seraient également de fervents adeptes. Avec eux, « tous les hommes de goût », indique la maison, sont invités à se laisser tenter.
Mes chaussettes rouges propose aussi les chaussettes Bresciani, référence italienne qui se distingue par les motifs, ou encore Gallo, chaussettes à rayures faites dans le meilleur fil d’Ecosse. Doré Doré et Marcoliani milano finiront d’étendre la gamme.
Chaussettes de luxes, certes, mais pour toutes les bourses. Chacun peut trouver son bonheur entre 20 et 520 euros. La chaussette devient un moment de plaisir pour les pieds, et un moyen de se distinguer parmi l’anonymat des costumes masculins.
Vincent Metzger et Jacques Tiberghien offrent aujourd’hui un choix varié avec plus de 250 modèles, qu’ils présentent aussi dans leur boutique du 15e arrondissement de Paris. Si le propre des ventes se fait en ligne, la boutique leur permet de rencontrer les consommateurs, de cerner leurs attentes.
Mes chaussettes rouges a donc réussi le pari non aisé de donner une nouvelle importance à la chaussette dans la tenue vestimentaire. Une success story qui n’est pas sans rappeler celle du Slip français, qui a marqué le retour de ce sous-vêtement désuet – le slip – en misant sur la qualité, et le made in France. A contre-courant de la « fast fashion », cette industrie d’une mode uniformisée et de vêtements à durée très limitée, ces marques de qualité nous font du bien.
Ne jetez pas les bretelles ou autres bérets de vos aïeux, vous pourriez avoir des surprises !