Laurent Obadia est directeur de la communication du groupe Veolia depuis avril 2013, après avoir effectué une longue carrière dans le domaine de la communication et du conseil. Passé par le groupe Vivendi, Euro RSCG et Veolia Waters avant de conseiller Antoine Frérot, Obadia est unanimement reconnu comme un expert en communication de crise auprès des grands dirigeants et des grandes entreprises.
Invité de la dernière table ronde de l’Agora d’Automne de Syntec Conseil, intitulée « Quelle éthique pour la communication de crise ? », Laurent Obadia a pu revenir et échanger sur les nouvelles formes de crise, les clés pour les anticiper, les comprendre et les résoudre, mais aussi sur le cadre éthique indispensable à la profession de communicant moderne. Une rencontre enrichissante autour de sujets encore peu abordés.
La communication de crise, le nouveau quotidien des grands groupes
Laurent Obadia veille aujourd’hui sur la communication de Veolia, leader mondial dans le secteur des services collectifs (eau, déchets, énergie, transports), aux côtés d’Antoine Frérot, PDG du groupe français depuis 2010. « Aujourd’hui, la crise pour un groupe comme Veolia qui gère l’accès à l’eau pour 100 millions de personnes, c’est quotidien », lâche Laurent Obadia, pleinement conscient de l’ampleur de sa tâche et des responsabilités qui lui incombent. Comme toutes les grandes entreprises industrielles, de surcroît investies à l’international et dans des domaines aussi sensibles que l’eau, l’énergie ou l’environnement, Veolia doit désormais régulièrement affronter des crises et des attaques en lien avec ses activités, multiples et transverses. La gestion et le traitement de l’eau, domaines qui touchent à des questions d’hygiène et de santé publique, mais aussi le quotidien de toutes les populations, font évidemment l’objet d’une attention particulière de la part du directeur de la communication du groupe français.
Dans un espace où l’information est devenue mondialisée et instantanée, les multinationales doivent se doter de moyens de plus en plus pointus pour répondre à ces crises, multiples, multiformes et souvent imprévisibles. Une expertise humaine reste cependant irremplaçable, comme le souligne Laurent Obadia :
« Antoine Frérot m’a choisi pour ma capacité à gérer les crises, des crises qui peuvent aller de questions de gouvernance à des sujets d’actualité, comme dans le dossier de la SNCM ».
Élaborer une communication de crise en direction de toutes les parties prenantes d’un groupe international comme Veolia, une tâche ardue mais nécessaire : aujourd’hui, cette image représente un actif stratégique pour toute entreprise.
L’image de l’entreprise, un actif qu’il faut protéger pour Laurent Obadia
À l’heure où l’image et la réputation sont donc devenues des actifs majeurs des entreprises, et particulièrement des grands groupes internationaux, le directeur de la communication de Veolia revient également sur les retombées financières que peut provoquer une crise :
« Lorsque la crise ou la rumeur d’une augmentation de capital font chuter le cours de Veolia en bourse, il faut réagir immédiatement. Il est déjà arrivé qu’une personne souhaitant nuire à Veolia fasse suivre un petit écho dans la presse et auprès des analystes. Si vous n’intervenez pas à temps pour rétablir la vérité, c’est une spirale négative qui s’enclenche », explique Laurent Obadia, avant de revenir sur des événements récents plus médiatisés. « Une usine du groupe a connu une explosion au Canada. France Info me prévient dans la nuit, ainsi que le cabinet du Président. Là encore, en un minimum de temps, il faut être capable de comprendre et d’analyser la situation pour offrir une réponse adaptée à tous les publics de l’entreprise (employés, actionnaires, médias) tout en protégeant l’image de celle-ci ».
Laurent Obadia prend d’ailleurs le temps d’insister sur ce point, en défendant une position partagée par tous les experts : « l’image de l’entreprise est un actif qu’il faut protéger ». La communication de crise et ses spécialistes ne sont donc pas près de disparaître. D’autant plus que ce travail de tous les instants a déjà permis de sauver de grandes entreprises de tourbillons médiatiques menaçants, alors que certaines crises sont parfois directement provoquées par des concurrents ou des adversaires déclarés.
La question de l’éthique
Autre thème abordé lors cette table ronde, l’éthique et la communication de crise. La place prise par les communicants depuis plusieurs dizaines d’années, dans les entreprises comme dans le reste de la société, a fait naître de nombreux débats autour de leur rôle et de leur pouvoir – parfois réels, parfois fantasmés. Lorsqu’on l’interroge sur le sujet, Laurent Obadia s’exprime très librement : « Le communicant est là pour protéger son client ou l’entreprise pour laquelle il travaille quotidiennement. Défendre leurs intérêts sans mentir, dans le respect de la loi et des personnes, c’est la seule chose qui importe. ». Quid de la transparence ? « Il ne faut pas confondre transparence et démocratie, comme je l’entends souvent. Aujourd’hui, nous vivons dans une société où l’information n’est pas systématiquement vérifiée, parfois basée sur la rumeur. C’est particulièrement frappant sur le web et les réseaux sociaux. Le travail du communicant, ou du directeur de la communication d’un grand groupe, ce n’est pas de faire de la transparence, c’est de protéger l’image et la réputation d’un actif, de communiquer et d’informer pour le compte de l’entreprise. ».
Pourtant, le travail des communicants est parfois pointé du doigt par les journalistes, qui jugent leur rôle opaque et leur influence potentiellement dangereuse. Sur ce point, l’avis de Laurent Obadia est évidemment divergent. « Lorsqu’un journaliste est mis en examen, cela ne l’empêche pas de travailler. Lorsqu’un patron est mis en examen, on lui demande de démissionner. Il ne s’agit pas d’aller contre la liberté de la presse, mais les journalistes sont très protégés alors qu’ils tombent parfois dans la course à l’information non-vérifiée. Au même titre qu’une personne, l’entreprise ne doit pas être jetée en pâture dans les médias. Lorsqu’ils ne produisent pas un travail sérieux et approfondi, les journalistes ne sont donc pas les outils de la démocratie, comme on se plaît à le dire », conclut Laurent Obadia, appelant l’ensemble des médias à être aussi responsables que les entreprises et leurs communicants. Habituellement discret, le directeur de la communication de Veolia s’est volontairement prêté au jeu de ce tour de table avant de la quitter pour retrouver ses responsabilités, Rue Kléber, au siège du leader mondial des services collectifs. Un témoignage original et éclairant qui nous en apprend un peu plus sur la profession de communicant mais surtout sur la communication de crise au sein d’un groupe du CAC 40, au quotidien.