Les 24 et 25 juin derniers, Bruno Cathala présentait les « Caprices du Sultan », l’extension de son jeu de société à succès « Five Tribes », au festival « Paris est Ludique ». Le Jurassien fait partie des quelques créateurs de jeux de société français exportant leurs œuvres à l’étranger. Pourtant, peu prédisposait cet ancien ingénieur en matériaux à devenir l’un des auteurs hexagonaux les plus prolifiques.
Bruno Cathala a plutôt un profil technique. Diplômé du DUT en Mesures physiques et d’un MST Sciences des matériaux, il a fait des alliages de tungstène sa spécialité pendant 18 ans. C’est en 2004, suite à un licenciement économique qu’il fait le choix de créer sa propre entreprise, autour du jeu de société. Un pari risqué pour ce père divorcé de deux enfants.
Bruno Cathala entreprend suite à un licenciement
Bruno Cathala n’a pourtant pas attendu son licenciement pour s’adonner à sa passion. Il lance en effet son premier prototype dès 1999, jeu qui est finalement sorti en 2002. Jusqu’en 2015, il ne touche que de faibles royalties sur les ventes de ses jeux, environ 30 centimes sur une boîte à 30 euros. C’est avec « Abyss » et « Five Tribes », qui s’écoulent à près de 100 000 exemplaires, qu’il connaît finalement le succès.
Dans un secteur où un jeu est considéré comme à succès dès qu’il dépasse les 10.000 boîtes écoulées, la réussite de ces deux produits dépasse la normale. Depuis Bruno Cathala enchaîne les succès, tout d’abord en collaboration avec Antoine Bauza pour « 7 Wonders Duel » qui s’est vendu à 200.000 exemplaires, puis avec « Kingdomino » lancé il y a six mois, qui a atteint les 80.000 ventes.
Entre rigueur et fantaisie
Bruno Cathala doit sa réussite avant tout à sa boulimie de travail : il travaille dès 7h30 du matin sept jours par semaine. Il partage ainsi son temps entre les veilles sur le secteur, les réunions avec les illustrateurs, les co-auteurs et les éditeurs et enfin les salons pour promouvoir ses produits. Au total, il développe une dizaine de jeux en simultané. Cette méthode lui permet d’asseoir quelques succès dans un secteur où les échecs sont fréquents.
Bruno Cathala explique appliquer les mêmes méthodes que dans l’ingénierie : « le processus de conception d’un jeu est exactement le même que celui que suit un chercheur. On a une idée, on la développe, on la valide au travers d’un plan d’expérience et on rédige un procédé de fabrication ». Cette approche, Bruno Cathala la combine à un besoin de fantaisie qui le caractérise depuis son enfance par peur de l’ennui et de la solitude.
Opérer sur un marché éclaté et international
Loin de se laisser griser par son succès, Bruno Cathala porte un regard lucide sur le marché du jeu de société où le nombre de nouveaux produits ne cesse de croitre. L’éclatement de l’offre induit un manque de lisibilité, ce qui a pour conséquence de concentrer les ventes sur un nombre réduit de créations. Par ailleurs, l’internationalisation du marché pousse les auteurs à concevoir des jeux susceptibles de plaire tant en France qu’à l’étranger.
Né le 22 novembre 1963, le jour de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, il en a tiré une maxime : « quoiqu’il vous arrive, ne vous laissez jamais abattre ». Si la formule peut paraître cruelle pour le président américain défunt, elle donne une idée de la combativité de Bruno Cathala. Elle représente volontiers le côté décalé d’un personnage qui s’est réalisé dans la création de jeux mais qui conserve les pieds sur terre.