Alors que les foires aux vins battent leur plein dans les allées des supermarchés, les chances d’apercevoir le nom de l’ex-rugbyman Gérard Bertrand sur quelques bouteilles sont fortes. Ses vins sont mêmes devenus incontournables dans les linéaires des grandes surfaces.
Sur les traces paternelles
Gérard Bertrand a su passer de rugbyman professionnel à une carrière de vigneron avec un certain éclat. C’est de son père, Georges, qu’il tient ses deux passions. Né en 1965, il grandit dans les vignes sur le domaine familial de Villemajou dans l’Aude. A l’âge de dix ans il réalise déjà sa première vinification. “Comme cela, à 50 ans, tu auras 40 vinifications derrière toi”, lui annonce son père.
Lors des vacances scolaires, c’est à 4 heures du matin que sa sœur et lui doivent se lever pour aider l’entreprise familiale. Georges Bertrand, homme de caractère, est un vrai passionné des Corbières et du Roussillon et est convaincu que de grands crus peuvent y naître. Le dimanche, il est aussi arbitre de rugby et emmène son fils lors de tous ses déplacements.
Une brillante carrière sportive pour Gérard Bertrand
Le jeune Gérard prend ainsi naturellement goût à la pratique du ballon ovale. En 1984, il commence sa carrière au Racing club de Narbonne, le club de sa ville natale. Avec ses presque deux mètres et une grande vitesse de course, le troisième ligne trouve rapidement sa place. En 1987, le décès soudain de son père lors d’un accident de voiture le pousse à reprendre le vignoble paternel plus tôt que prévu, sans abandonner le rugby pour autant. « Deux défis me tendent les bras: l’espoir de devenir champion de France, et la révélation du potentiel des vins de notre région. Je décide de mener de front les deux carrières “, écrit-il dans son livre autobiographique «Le vin à la belle étoile», paru en 2015. Après neuf années à porter fièrement les couleurs de Narbonne et trois coupe de France remportées, c’est au Stade français qu’il termine sa carrière en 1994 avec le brassard de capitaine autour du bras.
Une deuxième vie pleine de succès
Gérard Bertrand se consacre alors à plein temps au deuxième défi de sa vie: réaliser le rêve de son père et révéler le potentiel vinicole de sa région natale. Depuis la disparition de son père en 1987, le Narbonnais s’était déjà investi dans le domaine de 60 hectares et parvenait rapidement à développer les ventes en grandes surface, d’abord avec le groupe Casino. 30 ans plus tard, l’entreprise emploie 300 salariés, cultive 600 hectares sur 11 différents domaines et vend 20 millions de bouteilles par an dont 50 % destinées à l’export.
Actionnaire unique de sa société, il est devenu un ambassadeur des vins du Languedoc-Roussillon. Avec plus de 200 références à son catalogue, il a su faire oublier la basse réputation des vins de table de cette région. Le grand cru Clos d’Ora, son meilleur vin qui lui a demandé 17 ans de travail, est vendu au tarif de 190 euros.
Cette réussite, le champion des Corbières le doit sûrement à son goût pour la qualité et à l’emploi de méthodes modernes. La clé de développement de son entreprise a été sans nul doute la biodynamie, cette méthode de culture qui fait appel aux cycles lunaires et à l’emploi d’une eau enrichie de diverses décoctions naturelles ensuite pulvérisée sur les rangs de vignes. Bien qu’elle nécessite d’importants investissements et requiert trois fois plus de main d’œuvre, la biodynamie rend les vins plus vivants et leur apporte plus de finesse.
Tout en restant fidèle à ses origines, ce rugbyman reconverti a su imposer sa signature et apporter la fraîcheur nécessaire au renouveau des terroirs du Languedoc-Roussillon. Et sa deuxième mi-temps de maître vigneron semble loin d’être achevée.