Au mois de décembre 2013, 25 000 Fairphone étaient livrés aux clients qui avaient précommandé l’appareil. Le premier smartphone équitable devenait une réalité. Fort de ce succès, les concepteurs du projet envisagent d’ores et déjà la production d’une nouvelle série.
Une application originale est proposée aux possesseurs de Fairphone. Un widget permet de passer le smartphone en mode « peace of mind ». Pendant quelques minutes, l’utilisateur se plonge ainsi dans un monde sans internet et sans message. Cette invitation à prendre le temps de vivre n’est évidemment qu’un aspect anecdotique de l’appareil. Ce ne sont pas les prouesses technologiques qui font la singularité du Fairphone. Il tient son originalité de son mode de production. Le Fairphone est le premier smartphone équitable proposé sur le marché.
Garantie sans « minerais du sang »
Le projet est né dans l’esprit du designer néerlandais, Bas Van Abel au début des années 2010. L’idée était simple : proposer un produit de haute technologie dont la fabrication occasionne le moins de dommages possibles pour les personnes et la planète. Deux grands défis s’offraient aux concepteurs du Fairphone.
Il fallait premièrement s’assurer que les composants de l’appareil ne provenaient pas de zones de conflit. La question est particulièrement épineuse concernant les métaux précieux, comme le coltan, utilisés dans les smartphones. Une grande partie provient du Congo, théâtre d’un des conflits les plus sanglants de la planète. La guerre qui ravage ce pays a fait, en dix ans, plus de six millions victimes. Or, ce massacre est en partie financé avec les gigantesques bénéfices de l’extraction des minerais. Pour éviter d’utiliser ces « minerais du sang », la société Fairphone a engagé des partenariats avec des ONG opérant en Afrique. Notamment, « Closing the Loop » qui travaille sur ce continent au recyclage des composants des appareils mis au rebut.
Made with care in China
L’autre grand défi intervenait au moment de la fabrication. Il fallait garantir des conditions correctes pour les ouvriers. L’industrie de la haute technologie se retrouve en effet bien souvent au banc des accusés sur la question des conditions de travail. Pour la production de ses smartphones, Fairphone a passé un contrat avec l’industriel chinois A’Hong. Ce dernier a mis en place des chaines de fabrications respectant le programme « made with care ». Cette charte garantit le respect de certaines normes de confort pour les ouvriers, le droit à la formation et la constitution d’une caisse de prévoyance. De plus, A’Hong s’engage à fabriquer ses produits sur un site unique, facilitant ainsi les contrôles effectués par Fairphone. En dépit de toutes ces garanties, Bas Van Abel prévient : il est aujourd’hui impossible de produire un smartphone 100% équitable.
Réparable plutôt que jetable
Pleinement engagé dans l’économie solidaire, Fairphone joue le jeu de la transparence jusqu’au bout. Ainsi le public peut découvrir le détail des coûts de l’appareil en se rendant sur le site de la société – www.fairphone.com –. Par ailleurs, Fairphone refuse d’intégrer son smartphone dans une offre forfaitaire. Pour la société, donner un téléphone gratuitement lui retire toute sa valeur avec les risques de le voir rejoindre la poubelle au premier petit souci. Afin de rendre son appareil durable, le Fairphone est conçu de manière à pouvoir être entièrement démonté et donc réparable, plutôt que jetable.
Pour commercialiser son téléphone, Fairphone a levé des fonds directement auprès de ses futurs clients. Une campagne de précommandes a été lancée au premier semestre 2013. Quelques mois à peine après le début de cette opération, la société enregistrait pas moins de 25 000 commandes. Ce succès a permis la livraison des premiers Fairphone courant décembre 2013.
L’appareil présente des caractéristiques similaires à ses principaux concurrents. Il est équipé d’un système Android 4.2, de 16 Go de mémoire et d’un écran de 4,3 pouces. Son prix, 325 euros, le situe dans la moyenne de sa catégorie. Aujourd’hui la société envisage la production d’une autre série de Fairphone. Les précommandes seront ouvertes aux marchés américain et australien. Pour des questions de logistique, la première campagne avait été circonscrite à l’Europe.
Une goutte d’eau synonyme d’espoir
Les esprits chagrins auront beau jeu de constater que les 25 000 Fairphone constituent une goutte d’eau dans l’océan du milliard de smartphones vendus dans le monde en 2013. Ils auraient raison. Mais l’ambition première de Bas Van Abel était de prouver la viabilité d’un produit de haute technologie équitable. De ce point de vue, le Fairphone est d’ores et déjà un succès.