Vacances illimitées, horaires libres, entreprises sans managers, ni patrons… la tendance dans l’organisation managériale de l’entreprise est à la disparition de la figure du chef. On veut des salariés créatifs, autonomes, responsables, capables de se gérer seuls. Pas sûr néanmoins, que le traditionnel « boss » soit promis à disparaître.
Des vacances illimitées, rien de moins ! Voilà ce que Richard Branson, le patron de Virgin, promet à ses salariés dans une annonce rendue publique le 25 septembre 2014. Misant sur l’autonomie des employés, le directeur du célèbre groupe estime que les personnes doivent fixer elles-mêmes le moment et la durée de leurs congés.
Google et Facebook en avant-garde
Pour fracassante qu’elle soit, cette annonce s’intègre dans un mouvement plus vaste d’évolution du management dans l’entreprise. Précisons que le concept de vacances illimitées n’est pas une création de Richard Branson. Ce système a été expérimenté depuis plusieurs années par Netflix et par une startup française, Evercontact, spécialiste de la gestion des carnets d’adresses électroniques.
Plus globalement, on assiste aujourd’hui, dans l’entreprise, à une remise en cause des figures d’autorité au profit de la responsabilisation des salariés. La fin des chefs est programmée. La gestion managériale en vogue chez Google ou Facebook fait école. Les salariés gèrent eux-mêmes leurs horaires, leurs temps de présence, leurs priorités… Ils peuvent même, dans une certaine mesure (20% du temps de travail chez Google), se consacrer à des projets personnels. Le design et l’organisation des bureaux de ces géants de l’Internet symbolisent cette évolution : salle de sport, cafétéria à volonté, espace détente… Le chef, petit ou grand, figure centrale de l’idéologie du taylorisme, aurait bien du mal à se repérer dans un tel environnement.
A Valve, il n’y a plus de patron
Les exemples ne concernent pas uniquement les entreprises high-techs ultra médiatisées. Depuis plus de 15 ans, les consultants de Syndex, cabinet français d’expertise spécialisé dans les questions de sécurité au travail, fixent eux-mêmes le nombre de jours qu’ils vont travailler dans l’année. Un manager arbitre, fixe les priorités, centralise l’action. Il est choisi parmi les consultants confirmés et renouvelé chaque année.
Toujours plus fort, la société créatrice de jeux vidéo, Valve corps. Cette compagnie fonctionne sans patrons, ni managers. Inutile par exemple de chercher un organigramme. Il n’y a pas de titres. Chacun se définit en fonction des projets sur lesquels il travaille. Les choix stratégiques s’opèrent collégialement. Aucune voix n’est a priori prépondérante. Et quand il s’agit de décider par exemple des augmentations de salaire. A Valve, les employés s’évaluent les uns les autres pour choisir ceux méritent la meilleure rémunération.
Même les grandes entreprises suivent le mouvement. Certains ateliers de fabrication du géant américain General Electric (GE) fonctionnent sans directeurs, ni contremaîtres. Zapos, spécialiste de la vente en ligne de chaussures, a décidé, en février 2014, de se passer de tous ses managers. Là encore, il s’agit de miser sur l’autonomie des salariés. Le concept de zéro management a même un nom, l’holacratie. Ce système qui vise à construire une entreprise en un ensemble d’entités autonomes sans liens hiérarchiques a été conçu en 2001 par Brian Robertson.
Liberté sous surveillance
Doit-on conclure que la figure sacro-sainte du patron est promise aux oubliettes ? Le fameux précepte de Jeff Bezos « work hard, have fun » a-t-il fini par transformer l’entreprise en un espace de libertés ? C’est aller un peu vite en besogne. Aucune des organisations citées ne peut se passer d’un dirigeant pour décider des grandes orientations stratégiques. Au siège parisien de Google, il existe un seul bureau fermé : celui du directeur. En quelques sortes, les salariés sont libres d’interpréter la partition, pourvu que ce soit celle du chef d’orchestre. De plus, comme le rappellent Larry Page, fondateur de Google ou Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, la quête d’une plus grande autonomie a pour objectif une meilleure productivité. Nul doute que les actionnaires veillent au grain. Si le bon vieux taylorisme se révélait au final plus rentable, le chef ferait probablement un come-back rapide dans toutes les organisations.
Sous l’œil de Chaplin
En outre, les systèmes sans managers s’appliquent à un type particulier de salariés : les ingénieurs, les experts, les consultants… Ceux qui sont en charge de leurs propres projets. Lorsqu’on examine les niveaux de simple exécution, le chef, même sous une forme modernisée, est toujours omniprésent. Dans les entrepôts géants d’Amazon, les salariés sont ainsi guidés d’un rayon à l’autre par un scanner qui leur indique les tâches à exécuter et le temps dont ils disposent. La machine va même jusqu’à décompter les secondes attribuées à chaque opération. Au final, à l’heure où les entreprises se veulent sans patrons, le héros des « Temps modernes » de Chaplin, prisonnier des engrenages de la machine, ne semble pas prés de disparaître.
Une tendance qui existe en fait depuis prés de 30 ans. En même temps on voit que ceux qui travaillent comme employés dans les services, de plus en plus de surveillance et de moins en moins d’autonomie.