A quoi sert la Big Data ? Et si les algorithmes permettaient de faire autre chose que des affaires ? C’est le pari du jeune Paul Duan. Scientifique, diplômé de Berkeley, ce jeune Français a monté son ONG aux Etats-Unis. Il est de retour en France avec une idée en tête : lutter contre le chômage. Afin de faire rimer Big Data et bonne cause, Paul Duan a un plan. Portrait d’un jeune philanthrope engagé dans la lutte contre le chômage aux côtés du gouvernement et des organismes publics français. Loin de la Silicon Valley.
« Un accord historique », voici comment Paul Duan a décrit, sur son compte Twitter, la convention qu’il a signée avec Pôle Emploi le 21 janvier 2016. En effet ce partenariat entre un organisme public et une ONG basée à San Francisco est un moment important. L’objectif de cette collaboration : réduire le nombre de personnes sans emploi en utilisant la technologie des algorithmes. Comment est-ce possible et comment Paul Duan en est-il arrivé à cette conclusion ?
Direction la Silicon Valley
Fils d’immigrés chinois, Paul Duan a grandi dans les Yvelines, dans la ville de Trappes. Adolescent, il se pose beaucoup de questions et cherche à savoir comment se rendre utile. Il commence par étudier les sciences politiques et les mathématiques entre 2009 et 2011. Puis, grâce à un concours, il obtient une bourse pour continuer ses études à Berkeley, aux Etats-Unis. Cette université, installée en plein cœur de la Silicon Valley, a formé les plus grands patrons de l’économie numérique. C’est donc durant son séjour à Berkeley que Paul Duan découvre les algorithmes et leurs pouvoirs infinis.
Paul Duan veut combiner les sciences et le social
Après un premier stage dans la finance, toujours aux Etats-Unis, Paul Duan passe un entretien chez PayPal, il est sélectionné mais le jour où il doit commencer son contrat, en janvier 2013, son manager part pour Eventbrite, société gestionnaire d’événements et billetterie en ligne. Il décide de le suivre ! Il devient ainsi le premier “data scientist” de la start-up fondée en 2006 à San Francisco. Son rôle : détecter les fraudes. Après des problèmes de visa et un séjour à Londres, il retourne en Californie et se laisse séduire par son envie d’entreprendre. Entreprendre, oui, mais pas n’importe comment ! Paul Duan veut combiner les sciences et le social. C’est ainsi que naît Bayes Impact en avril 2014. Eric Liu et Paul Duan, les deux co-fondateurs sont alors âgés de 23 et 22 ans.
Big Data et ONG
Partant du principe que les algorithmes sont imaginés pour résoudre des problèmes, pourquoi ne pas les utiliser pour répondre à des questions et des besoins sociaux ? C’est l’objectif de l’ONG Bayes Impact. Paul Duan n’a pas créé une start-up ou une société pour faire carrière et dégager d’énormes profits mais bien une organisation non gouvernementale, basée sur la générosité de donateurs et dont la mission est d’aider les entreprises solidaires et les Etats. Ainsi, de la même façon qu’il a accompagné Eventbrite dans la lutte contre la fraude, Paul Duan a travaillé avec des entreprises américaines de micro-crédit pour calculer les potentiels risques de falsification ou de défaut de paiement. L’ONG a obtenu ensuite différents contrats. Après les micro-prêts, Bayes Impact travaille avec les ambulanciers de San Francisco en les aidant à optimiser leurs trajets. Ils se sont également penchés sur un problème de santé publique et sur les risques de complication de patients hospitalisés ou encore sur un programme de réinsertion professionnelle destiné aux vétérans américains.
Retour en France
Fort de toutes ces expériences et débordant d’idées, Paul Duan veut développer son ONG en Europe. Et il commence évidemment par la France, son pays d’origine. Ainsi, lors d’une conférence à Paris, il annonce au président de la République François Hollande qu’il a les moyens de réduire le chômage. Une déclaration qui lui ouvre les portes des ministères. Il rencontre ensuite Myriam El Khomri, ministre du Travail, Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique puis Emmanuel Macron, ministre de l’Economie.
Créer le Meetic du Pôle Emploi
Parce que Meetic et Tinder n’ont pas le monopole du matching, comme l’explique Paul Duan lors d’une conférence en juin 2015, organisée par l’Echappée Volée, Pôle Emploi peut également développer des algorithmes pour “matcher” des demandeurs d’emploi avec des entreprises ou des formations. Après quatre mois de discussion, le jeune scientifique signe un accord avec Jean Bassères, directeur général de Pôle Emploi, le 21 janvier 2016.
Cette convention permet à l’équipe de Bayes Impact d’exploiter et d’analyser des données anonymisées de Pôle Emploi afin de créer une application web. Emploi-store.fr, dont la sortie est prévue au second semestre 2016, aura pour mission de guider les utilisateurs dans leur recherche d’emploi. Avec un objectif : réduire de 10% le taux de chômage en France. Et ainsi faire rimer Big Data avec bonne action…si ça « matche ».