Trois milliards. Tel est le nombre de téléchargements totalisés par le logiciel VLC au cours de ses 18 années d’existence. 18 années au cours desquels cet utilitaire à la célèbre icône en forme de plot de chantier a su s’imposer comme l’une des applications les plus indispensables à tout utilisateur d’un ordinateur ou d’un smartphone. Débutée en 1996 sous la férule d’un groupe d’étudiants, la saga de ce logiciel libre a profondément bouleversé le paysage informatique mondial.
Une petite révolution
Il faut, pour comprendre l’engouement suscité par ce logiciel libre et gratuit, remonter à la préhistoire du multimédia. En 2001, plus précisément, date à laquelle une première mouture de VLC (abréviation de VideoLan Client) est proposée en téléchargement à des internautes dont les disques durs débordent de vidéos acquises plus ou moins légalement. L’âge d’or du peer-to-peer, encouragé par la démocratisation des connexions haut-débit, permet en effet l’accès à toutes sortes de fichiers multimédias, qui seront pour la plupart lus directement depuis un ordinateur. Et c’est là que VLC se montre particulièrement innovant.
Avant son apparition, il fallait, pour pouvoir espérer visionner une vidéo, passer par l’installation d’une multitude de « codecs », logiciels indispensables pour décrypter les différents formats de compression vidéo. Une installation qui prenait souvent les allures d’un parcours du combattant et se soldant souvent par l’introduction de virus informatiques et de barres publicitaires envahissantes. VLC, lui, permet de s’affranchir totalement de ces logiciels tiers en les intégrant directement dans son code. Quelques mois après sa sortie, le lecteur totalise plusieurs dizaines de milliers de téléchargements et devient un élément incontournable à toute bonne logithèque.
Le défi VLC
C’est en 1996 que le projet prend naissance sous forme de défi. Exaspérés par la lenteur de leur réseau interne, des étudiants de l’École centrale de Paris réclament l’amélioration de ce dernier. Jugée trop coûteuse, leur revendication sera néanmoins satisfaite par le groupe Bouygues qui accepte en leur soumettant néanmoins une condition : développer en échange un logiciel permettant de diffuser un flux vidéo à travers tous les ordinateurs de l’école. Par ce biais, le groupe espère acquérir à moindres frais une technologie susceptible de servir les intérêts de sa chaîne TF1.
De nombreux étudiants vont alors relever le défi et élaborer peu à peu des techniques inédites de lecture et de diffusion vidéo. Influencés par la philosophie du logiciel libre, les participants dégagent le projet de toute obligation commerciale et délivrent une première version publique en 2001. Le logiciel sera par la suite développé pour une vingtaine de plateformes allant de Windows aux télévisions connectées en passant par les smartphones.
Fidèle à ses engagements
Le groupe de passionnés qui se cache derrière VLC aura néanmoins dû faire face à de nombreux défis : maintien de la gratuité, lutte contre des tentatives d’intrusion par des virus et des officines de renseignement, invention d’un modèle économique et innovation permanente ont occupé la petite équipe composée d’une dizaine de personnes. Présent sur le projet depuis 2003, Jean-Baptiste Kempf a eu l’idée de créer l’association VideoLabs qui développe des solutions de lecture et de diffusion vidéo auprès des entreprises. Cela va permettre ainsi de financer le projet VLC tout en garantissant sa gratuité. Une autre solution aurait pu consister à intégrer des publicités au logiciel, méthode toujours refusée par l’équipe. Cela malgré de mirobolantes propositions se montant pour certaines à plus de 20 millions de dollars.
Cette obstination a valu à VLC de conserver l’estime de ses utilisateurs, et à Jean-Baptiste Kempf d’être promu au grade de chevalier de l’ordre national du Mérite en novembre dernier. Toujours sur la brèche, l’équipe s’attèle à développer une nouvelle version de son lecteur qui est aussi utilisé pour écouter la radio, télécharger des podcasts et regarder les chaînes de télévision. Cette quatrième version devrait adopter une interface beaucoup plus intuitive, lui garantissant ainsi de toucher un public encore plus large. L’odyssée de VLC, outil 100 % français et 100 % libre, n’est pas prête de s’achever.