C’est en 1967 que le chirurgien cardiaque sud-africain Christian Barnard devint célèbre pour avoir réussi la première greffe du cœur de l’histoire. Plus de cinquante ans après, et malgré des progrès époustouflants dans bien des domaines, la médecine n’a toujours pas rendu l’être humain immortel, mais ce n’est pas faute d’essayer. La société française Carmat prévoit ainsi de commercialiser en 2019 et pour la première fois des cœurs artificiels. Cela constitue un pas décisif dans le prolongement de la vie à grande échelle.
Pallier le manque de greffons humains
Nous n’allons pas trouver de suite des cœurs artificiels en supermarché bien sûr. Mais l’avancée médicale développée par Carmat n’en est pas moins significative. Rappelons qu’elle y travaille depuis 2008 et sa fondation par le professeur Alain Carpentier et Matra Défense (d’où le nom CarMat). L’objectif premier était élémentaire : si la technique de la transplantation cardiaque s’est sans cesse améliorée au fil des décennies, un problème essentiel et en grande partie indépendant des avancées scientifiques se pose à elle : le nombre de cœurs disponibles. Cette pénurie de greffons est cruelle, et les critères d’éligibilité pour l’obtention d’une greffe cardiaque sont pour le moins drastiques, d’ailleurs aucune personne de plus de 60 ans ne peut ainsi en bénéficier. Il s’agit donc de remédier à ce manque en proposant des organes artificiels donc non prélevés sur d’autres humains.
Une innovation biotechnologique de premier ordre
L’alliance de la médecine et de l’industrie de pointe à la base de la société Carmat n’a évidemment rien d’un hasard. On se situe avec ce cœur artificiel au croisement d’innovations techniques et biologiques extrêmement avancées, et l’objet en lui-même est un assemblage de matières synthétiques et organiques. Ainsi une enveloppe de péricarde de veau traitée afin d’être rendue biocompatible pour éviter les rejets, vient empaqueter une pompe reproduisant les deux temps du rythme cardiaque (le remplissage de sang des ventricules puis l’éjection de ce dernier) de façon autorégulée, s’adaptant donc elle-même aux besoins du patient sans nécessiter d’intervention chirurgicale à chaque changement d’état.
D’autres systèmes existaient déjà mais ceux-ci n’avaient pas de vocation autre que temporaire, et étaient créés uniquement en vue de l’attente de recevoir une greffe classique. Le cœur Carmat est lui le premier à pouvoir constituer une solution permanente pour le greffé, ce qui permet enfin de se libérer des contingences de stocks de greffons humains disponibles.
Le long chemin avant la commercialisation
Le processus menant à un produit final commercialisable en Europe est constitué d’une myriade d’étapes et de validations intermédiaires, ce qui est plutôt rassurant : lorsqu’on envisage de remplacer un organe vital chez un être humain, la marge de « tâtonnement » est singulièrement réduite. Après des décennies d’expérimentation et de recherche ex vivo, l’obtention du fameux marquage CE, que l’entreprise souhaite obtenir en 2019 et qui lui permettrait de vendre son produit dans toute l’Europe, est principalement soumise à l’efficacité de la bio-prothèse : son pourcentage de rejet, sa durée et celle de la vie de ses patients notamment. Une étude pivot finale serait validée si plus de la moitié des patients survivait après six mois, exploit que l’entreprise est en passe de réaliser.
Enjeu économique, médicale et sociale du 21e siècle, l’un des devoirs de la médecine est de garantir au plus grand nombre une durée et une qualité de vie normale, en remédiant aux injustices de la nature. Le succès de la société Carmat dans ce domaine, est une preuve du savoir-faire français en matière de technologie de pointe et redonne du souffle à ce secteur.