Eric Léandri ne manque pas d’audace. Et il en fallait pour se lancer, en 2011, dans le pari un peu fou de créer un moteur de recherche français attractif, performant et respectueux de la vie privée de ses utilisateurs. Sept ans plus tard, Qwant s’est imposé comme une alternative crédible à Google, séduisant chaque jour de nouveaux internautes. Un succès auquel la personnalité d’Eric Léandri est indissociable, tant ce dernier a su imprimer sa marque sur ce moteur de recherche pas comme les autres.
Une antithèse des GAFA
C’est à Londres qu’Eric Léandri débute sa carrière professionnelle en tant qu’ingénieur informatique. Il y restera cinq années, se spécialisant dans la sécurité des réseaux et des communications, ce qui lui permettra, une fois rentré en France, de devenir consultant pour de grandes entreprises. En 2009 germe l’idée d’un moteur de recherche ne collectant aucune donnée personnelle, l’exact opposé du comportement des Google et autres Yahoo! ou Bing.
La rencontre avec un investisseur, Jean-Manuel Rozan, et Patrick Constant, développeur chevronné, décide Eric Léandri à se consacrer à plein temps à l’élaboration d’un moteur de recherche digne de ses aspirations. Deux ans plus tard, Qwant est lancé simultanément dans 15 pays et en 35 langues, dont de nombreux dialectes régionaux. Si cette entreprise, dont le siège est basé à Nice, soulève l’enthousiasme de la presse spécialisée, quelques imperfections empêchent cette première mouture de remporter un succès immédiat.
Il faudra attendre 2015 pour que Qwant, vivifié par les investissements du groupe allemand Axel Springer, de la Caisse des dépôts et de la Banque européenne d’investissement, réalise sa mue. En se dotant d’une nouvelle page d’accueil et d’un algorithme nettement plus puissant, la start-up française entre alors de plain-pied dans l’univers impitoyable des moteurs de recherche, où Google truste plus de 90 % des requêtes mondiales.
Se donner les moyens de réussir
S’il se montre très discret sur sa vie privée, Eric Léandri, 46 ans, est par contre sur tous les fronts lorsqu’il s’agit de défendre sa vision d’un Internet enfin respectueux des utilisateurs. Ce passionné de plongée, très attaché à ses origines bretonnes et corses, tient à faire de Qwant un acteur majeur de son secteur. Pour cela, d’importants partenariats ont été signés, avec Mozilla pour intégrer Qwant dans le célèbre navigateur, et l’Inria afin de développer l’intelligence artificielle de son algorithme. Les services proposés sont eux aussi en constante évolution : Qwant Music permet d’effectuer des recherches musicales performantes et exhaustives, et Qwant Junior, utilisé par l’Education nationale, offre un environnement sécurisé pour les enfants.
La fréquentation de Qwant, qui enregistre plus de 70 millions de visites mensuelles, a été stimulée par la retentissante affaire Cambridge Analityca ainsi que par la préoccupation grandissante des internautes quant à l’utilisation de leurs données personnelles. Alors que, début 2018, le site enregistrait une croissance de 20 % par mois, ce chiffre est passé, durant quelques semaines, à 20 % par jour. De quoi faire entrer Qwant dans le top 1000 des sites les plus consultés mondialement.
Qwant peut-il faire face à Google ?
Pour Eric Léandri, 2018 sera une année décisive, aboutissement d’une série de projets ambitieux qui devraient donner à Qwant une stature internationale. Ou à tout le moins européenne, puisque le moteur de recherche pourrait devenir le symbole d’une alternative continentale à Google. Pour cela, le P-DG ne manque pas de ressources. L’inauguration, le jeudi 14 juin, des nouveaux locaux parisiens de l’entreprise ont été l’occasion d’annoncer, devant le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et le secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi, toute une panoplie de nouveaux services à même de concurrencer les GAFA. Dès juillet sera lancé Qwant Sports, suivi, en septembre, d’une offre de cartographie (Qwant Maps), de paiement (Qwant Pay) et de messagerie (Qwant Mail).
Bénéficiant du soutien des pouvoirs publics et de l’estime des professionnels du secteur, Eric Léandri n’en démord pas : l’écosystème de Qwant deviendra très bientôt incontournable pour celles et ceux qui souhaitent combiner performances et respect des données personnelles.
Basé uniquement sur un système d’affiliation (le moteur de recherche ne génère des bénéfices que lorsque l’internaute clique sur un lien publicitaire), Qwant a enregistré en 2017 un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros. Les objectif pour ces prochaines années sont d’atteindre, dès 2018, les 10 millions de CA et de conquérir, d’ici 2021, 5 à 10 % du marché européen. Les 165 personnes rassemblées autour de ce beau projet hexagonal planchent en tout cas pour que ce souhait devienne réalité.