Il est le créateur de l’une des rares licornes françaises et gère une entreprise qui compte plus de 930.000 clients, et qui vient de lever 250 millions d’euros. Pourtant, Octave Klaba reste relativement méconnu du grand public. Portrait d’un entrepreneur pas comme les autres.
OVH, la French Tech à l’honneur
Août 2016 : la société OVH, basée à Roubaix, est sous le feu des projecteurs. La société familiale, troisième hébergeur mondial après Amazon et Google, vient de boucler une levée de fonds qui va lui permettre de conquérir le continent américain. Avec l’arrivée au capital des fonds d’investissement new-yorkais Towerbrook et KKR & Co, OVH se retrouve valorisée à plus d’un milliard de dollars. Un tel succès n’aurait jamais été possible sans les talents de son fondateur Octave Klaba, entrepreneur à la fois passionné et discret, visionnaire et débrouillard et qui ne manque pas de convictions quant au rôle et aux responsabilités d’un hébergeur Internet.
Itinéraire exemplaire
C’est en 1990, peu de temps après la chute du mur de Berlin, que la famille Klaba quitte la Pologne pour la France. Les parents d’Octave, tous deux diplômés de Polytechnique Varsovie, ne peuvent compter que sur un maigre capital s’élevant en tout et pour tout à 5000 francs. L’intégration s’avère difficile puisque Octave, alors âgé de 15 ans, ne parle pas un mot de français. Il rattrape son retard et démontre vite ses talents pour l’informatique en programmant sur de vieilles machines achetées aux puces. Ces connaissances lui ouvrent l’accès à l’Icam, qui lui propose une formation d’ingénieur. Bourreau de travail, étudiant parfois jusqu’à vingt heures par jour, il y découvre les connexions Internet à haut débit et l’économie numérique. Commençant à créer ses propres sites, il s’aperçoit de la faiblesse des offres des hébergeurs de l’époque. Sa vocation venait de naître.
De la place pour un hébergeur français
En 1999, une fois son diplôme décroché, il trouve un emploi chez Alcatel. Mais ce qui l’intéresse vraiment, c’est l’entrepreneuriat et il ne peut résister à l’envie de monter sa propre solution d’hébergement de sites Web. Il démissionne au bout d’un mois et fonde OVH, squattant les bureaux de l’entreprise où travaille sa mère. Devant le succès rencontré, c’est finalement à Roubaix que le siège social et de nombreux serveurs sont installés. Car la réussite est rapide : en l’espace de quelques années, OVH conquiert non seulement la France mais aussi de nombreux pays d’Europe et d’Afrique du Nord. Octave appelle sa famille en renfort : Halina et Henryk, ses parents, son frère Miroslaw ainsi que sa femme Stéphanie. Le système de refroidissement révolutionnaire, déployé dans la salle des serveurs et mis au point par son ingénieur de père, a même permis à l’entreprise de réaliser de substantielles économies d’électricité.
Serveurs et guitares électriques
Depuis, OVH est devenu le troisième hébergeur mondial, et ses datacenters abritent plus de 18 millions de sites Internet, stockés sur 250.000 serveurs. L’entreprise s’est aussi lancée dans la gestion des noms de domaines, la téléphonie et le Cloud. Pas question pour autant de prendre la grosse tête : Octave Klaba reste un patron accessible, arborant, y compris dans les grandes occasions, une tenue décontractée et un incontournable T-Shirt siglé OVH. Et c’est baskets aux pieds qu’il apparaît pour la remise de ses récompenses parmi lesquelles figure le BFM Award de l’entrepreneur de l’année 2015. Dans son bureau se tient en bonne place toute une panoplie de guitares électriques, ainsi qu’une batterie qu’il pratique une heure par jour. Un entrepreneur très Rock’n Roll !
« Innovation is freedom »
La réussite d’OVH a permis à la famille Klaba de rentrer au palmarès des plus grosses fortunes de France, établi par le magazine Challenges. Mais Octave Klaba est aussi un homme de convictions, qui s’illustre notamment dans son combat pour les libertés numériques et l’anonymat. Opposant farouche au Patriot Act et à la récente loi sur le renseignement, le fondateur d’OVH met un point d’honneur à assurer la protection des données stockées dans ses datacenters. Ses interventions aux côtés d’autres acteurs du Web sont même parvenues à faire plier le gouvernement au sujet des « boites noires » installées dans les serveurs et permettant une surveillance massive des informations y transitant. Une belle victoire pour la liberté, doublée d’un magnifique coup de communication : les clients d’OVH savent qu’ils peuvent bénéficier d’une confidentialité qui met en confiance.
Un avenir assuré
Une confiance nécessaire à l’heure du Cloud, où de plus en plus de données sensibles sont hébergées sur Internet. Une tendance qui a de quoi assurer un bel avenir à OVH, qui prévoit de passer de 1200 à 3000 salariés d’ici 2020. A cette date, le chiffre d’affaires, qui s’est élevé à 254 millions d’euros en 2015, pourrait atteindre le milliard. La récente levée de fonds devrait donner à Octave Klaba et à son entreprise florissante les moyens de concrétiser ces ambitions.