Depuis quelques années, les plateformes en ligne des supermarchés séduisent de plus en plus les consommateurs, attirés par des prix plus attractifs et une offre de produits grandissante. Au Royaume-Uni, le cybermarché Ocado est aujourd’hui le premier supermarché en ligne sans aucun magasin contrairement à des distributeurs classiques comme Tesco, Asda (appartenant à Wal-Mart) ou Sainsbury’s.
Après une croissance de 14 % en 2015, les ventes de l’entreprise Ocado dépassent aujourd’hui le milliard de livres grâce à ses 509 000 utilisateurs et deux des plus grands entrepôts « supermarchés » au monde. Valorisée à 3 milliards en Bourse, l’expérience utilisateur proposée par Ocado est saluée à la fois du côté des clients et des spécialistes.
La recette du succès
Son P-DG, Tim Steiner, 46 ans, ancien trader de Goldman Sachs, a fondé l’entreprise en 2000 avec ses collègues Jason Gissing et Jonathan Faiman. Comme l’explique ce diplômé de l’université de Manchester, la réussite du cybermarché tient dans le fait d’avoir misé depuis sa création sur la recherche et le développement interne. Ainsi l’entreprise a déposé 105 brevets depuis sa création et Ocado vient d’atteindre le nombre de mille développeurs embauchés. Elle a également conçu sa propre suite logicielle la « Ocado Smart Platform » recouvrant aussi bien la gestion des stocks, la livraison, ou encore la relation clients.
La réussite de l’entreprise s’explique aussi par une politique de réduction des coûts qui permet de proposer des tarifs plus attractifs que la concurrence. Sa taille lui permet en effet une baisse des coûts de fonctionnement grâce à une automatisation poussée. Comme Amazon, Ocado mise sur la robotique et conçoit ses propres robots pour le « picking » ou la préparation des commandes. Grâce à ces investissements, chaque étape de l’achat jusqu’à la livraison est optimale.
Un temps de préparation de commande réduit à 5 mn
Quand il évoque son métier, Tim Steiner insiste sur l’idée qu’il faut proposer autre chose qu’une simple livraison puisque le client peut la faire gratuitement tout seul. Plus de 45 000 produits sont ainsi disponibles sur le catalogue du site, soit le double d’un supermarché classique. Avec près de 100 % des commandes livrés à l’heure et correspondant exactement à la commande du client, le taux de rotation des produits en entrepôt est bien supérieur à celui des autres distributeurs.
Ce système assure donc la qualité du produit et l’entreprise investit très peu en marketing puisque le bouche à oreille permet une croissance permanente du nombre de clients. Si au départ Ocado ciblait surtout les ménages aisés, ses prix qui sont les plus compétitifs du marché attirent progressivement les classes moyennes. Le digital facilite par ailleurs l’utilisation du service proposée par Ocado puisque 50 % des commandes s’effectuent sur smartphone grâce à une application lancée en 2009.
De nouveaux marchés en perspective
Le défi d’Ocado est aujourd’hui de s’étendre sur le marché international. En proposant aux distributeurs déjà établis à l’étranger de gérer leur plateforme d’e-commerce (de la construction d’entrepôts et la gestion de call-centers, jusqu’ à la livraison et la vente), Tim Steiner espère séduire de nouveaux clients. En Angleterre, cette formule a permis à Ocado d’obtenir des partenariats avec les chaînes de supermarché Waitrose et Morrisons. Le concept est en effet alléchant puisque le client n’a pas à investir dans l’infrastructure et le risque lié à l’automatisation est transféré sur Ocado.
Mais ce principe est proche de celui d’Amazon Fresh qui approche actuellement les distributeurs alimentaires européens pour référencer leurs produits. Mêlant marketplace (les utilisateurs peuvent passer commande auprès des commerçants par l’intermédiaire du site) et cybermarché (les clients ont également accès à une offre alimentaire classique proposée par Amazon), ce système est déjà en phase de test à Seattle depuis 2007. Amazon prévoit aussi de lancer sa propre marque distributeur, ce qui lui donnerait un pouvoir de négociation important.
Ocado traverse donc une phase de risque, notamment après l’annonce d’un contrat entre la chaîne de supermarché Morrisons et Amazon en février dernier qui a fait chuter le cours des actions d’Ocado. La rumeur selon laquelle Tim Steiner devrait vendre 5 % de ses parts suite à un divorce n’a fait qu’amplifier les craintes des investisseurs.