Hormis Noel, jamais dans l’histoire de la globale consommation, un évènement n’a su rassembler autant de monde à un même moment ; et non ni les soldes, ni Halloween, ni le fameux « Black Friday » américain ne peuvent rivaliser, le beaujolais nouveau est aujourd’hui le plus grand phénomène bachique existant. Et ce succès est dû en grande partie à l’engouement d’un peuple pour notre premier vignoble au monde (en notoriété assistée): les japonais !
Fort de son succès à l’export, le beaujolais a réussi à conquérir le monde et en particulier le Japon. Au cours des années 2000, le phénomène s’est accentué et le beaujolais a vu son marché cible basculer de la France au Japon. Ce dernier est devenu le plus gros consommateur de beaujolais nouveau avec 59 901 hl l’an dernier, soit l’équivalent de toutes les ventes en Hypers et Supers dans tout l’hexagone…
L’évolution est fulgurante : en 1990, la France représentait 72 % des parts de marché et le Japon 3 %, et en 2011 53 % pour la France et 24 % pour le Japon… En comparaison la région Centre Est (Bourgogne, Beaujolais et Rhône), qui était le marché historique de la boisson avec plus de 60 000 hl dans les années 90, ne représente aujourd’hui plus que 7000 hl, soit à peine 1 million de bouteilles… et l’Ile de France qui est la première région consommatrice de beaujolais nouveau en métropole atteint péniblement les 9 800 hectolitres.
Une ritualisation et une notion de la cérémonie
Pour comprendre pourquoi à Tokyo, les Japonais peuvent attendre des heures durant dans le froid qu’on « relâche » une boisson française à minuit une, il faut revenir sur le lien particulier qui unit la France et l’Empire du soleil levant en termes de savoir-vivre. En France, « le manger et le boire », deux fonctions vitales de l’homme, ont été étonnement érigés au cours du temps comme un art, on parle d’ailleurs d’art de la table.
Cette intellectualisation des besoins primaires s’est accompagnée d’une ritualisation et d’une notion de la cérémonie ; le vin, comme disait Talleyrand, « on en parle avant de le boire ». Le Japon est, comme la France, une société où la cérémonie compte beaucoup. Ils sont ainsi naturellement fascinés par notre art de la table, tout comme les Français ont été fascinés par le code moral et d’honneur du samouraï japonais qui s’est exprimé à travers le succès du Judo en France, sport national au Japon et 2e sport en terme de licenciés en France, alors qu’il n’est arrivé chez nous que dans les années 50.
Une manière d’être un peu français
Ainsi, le rêve français qui est transposé dans le produit prend ici une vraie dimension symbolique, et quand un Japonais consomme un verre de beaujolais nouveau c’est pour lui une manière d’être un peu français… « On est ce que l’on mange », déclarait Michel Onfray, mais n’est-ce pas la preuve que « l’on est aussi ce que l’on boit » ?
Le beaujolais nouveau a su s’adapter à la mondialisation et aux opportunités que cela offrait en termes de débouchés, c’est aujourd’hui un produit typiquement international : produit pour être exporté. Cette évolution est encore une fois caractéristique d’une formidable capacité d’adaptation de ce produit à son environnement. Il a su passer d’un phénomène local à national, puis international quand cela le requiert ! A boire avec un japonais et modération…